Pierre de Lune
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 Le guide du parfait maître

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Kim
¦ Designeuse - Truc qui traîne
Kim


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MessageSujet: Le guide du parfait maître   Le guide du parfait maître EmptyDim 7 Avr - 19:39

Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais j'avais mis les pieds à l'université de magie au cours de mes pérégrinations à travers le monde, espérant trouver d'éventuels raccourcis évitant de prendre le bateau pour voyager entre les continents. Pas que j'ai le mal de mer mais... Steel l'a. Ouais, je sais, c'est bizarre pour un mini-dragon d'avoir le mal de mer, et moi aussi c'est mystère dont la logique m'échappe complètement, mais c'est ainsi. Bref, quoi qu'il en soit, j'avais mis les pieds dans ce sous-sol étrange afin de trouver des raccourcis, mais aussi pour évaluer un peu l'état des éventuels autochtones de l'endroit. Autochtones humanoïdes, hein, entendons nous bien... Nul n'ignore que l'université de magie n'est pas un endroit vraiment adéquat à une vie saine et sans danger. Non seulement parce qu'il y traîne tout un tas de monstres dont je ne veux même pas savoir l'origine, mais aussi parce que l'endroit atteint petit à petit la santé mentale de ceux qui y demeurent – d'ailleurs, c'est peut-être pour ça que même les monstres sont frappadingues là-bas dedans. Vous allez me dire que mon envie d'aller voir les autochtones de l'université relevait du masochisme... Mais en vérité, il ne s'agissait là que d'une épreuve et d'une expérience que j'imposais à moi-même. Car, étant guérisseur de métier, je ne me contente pas de soulager les maux physiques d'autrui, mais aussi ceux psychiatriques. Cela faisait ainsi une bonne occasion de me mettre à l'épreuve.

En l'occurrence, j'avais dû m'y reprendre à deux fois. Pour la simple et bonne raison que la première fois où j'avais mis les pieds dans ce sous-sol étrange, j'étais tombé sur un vieux nommé Aldabert et ses créations magiques, les Shimis, qu'il avait fallu arrêter afin d'éviter que le monde de la surface ne croule sous leur nombre. Je vous passe les détails, mais il en était ressorti que j'avais vidé la quasi-totalité de mes ressources magiques alors que je n'avais même pas atteint le hall de l'université. Pas très glorieux, ouais. Ceci dit, vu que je suis un peu obtus, une fois remis, je m'étais de nouveau aventuré dans l'université, sans tomber cette fois-ci sur un vieux n'ayant plus toute sa tête mais toute sa magie, ni sur des créations étranges – enfin, en fait si, mais cela s'était résolu en un 'courage fuyons !'. Pour cette seconde fois, Steel avait tenu à m'accompagner, alors qu'il m'avait subtilement faussé compagnie lors de ma première tentative. Et, à nous deux, nous avions fini par tomber sur un livre étrange, un livre qui était la raison de ma présence actuelle à l'arène de cristal.

Car oui, aussi improbable que cela puisse paraître, je me tenais à présent à l'entrée du majestueux édifice de cristal, vestige d'une ère où la violence et la mort faisaient partie intégrante des traditions des civilisations de ce continent. A présent, je savais que cet endroit était synonyme de respect et d'honneur, mais toujours est-il que je n'y avais pour le moment mis les pieds qu'en tant que guérisseur, et non guerrier désireux de prouver sa force et son habileté à tout un public assoiffé de combats. Être comparé à d'autres, j'avais déjà donné pendant toute mon enfance en étant l'un des plus mauvais enfants Taiji, donc non merci. D'ailleurs, je n'avais toujours pas pour ambition de me tenir au milieu de cette arène cristalline afin de défier qui que ce soit. Mais je n'avais en revanche pas pour objectif de la journée de soigner les éventuels blessés du moment – de toute façon, il semblait que nous étions dans une période de calme, sans grand tournoi prévu. En vérité, j'étais là pour bénéficier du matériel mis à disposition du public pour s'entraîner, ce qui demeurait tout de même une première pour moi, qui préférais m'exercer dans des lieux loin de la civilisation et loin du regard et du jugement d'autrui. Ainsi croisais-je les doigts pour que l'heure bien matinale et que l'absence d'événements à l'arène n'amène pas trop de monde dans les salles d'entraînement.

Ce n'était pas la première fois que je foulais de mes pieds le sol de l'arène de cristal, une structure si enchanteresse qu'elle en paraissait surréaliste. Mais à chaque fois que mes pas m'amenaient en ce lieu, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un brin d'admiration pour ceux qui avaient édifié un tel monument, et ce malgré les sombres perspectives qu'ils avaient eu en tête – à savoir mettre en scène le plus joliment du monde le massacre d'hommes et de bêtes. Cette fois-ci, mes pas ne me menèrent pas au premier sous-sol où les combattants se préparaient et se remettaient de leurs blessures, mais au second sous-sol, là où était mise à disposition des combattants un gamme inimaginable de matériel d'entraînement, allant de la simple épée en bois aux obstacles les plus improbables à franchir en évitant de perdre quelques dents au passage. Mais avant de me lancer directement à l'attaque d'un parcours de je ne sais quels obstacles, je préférai entrer dans l'une des petites salles de l'étage, réservées à la méditation solitaire et aux entraînements magiques. Au moins, personne ne témoignerait de mes premiers ratés – j'étais à peu près sûr qu'il y en aurait.

A la louche, la pièce avait la taille d'une chambre de quinze mètres carré. De quoi pouvoir méditer tranquillement, sinon expérimenter quelques sorts sans mettre en danger qui que ce soit – à condition que l'on soit en mesure de réagir assez rapidement si jamais le sort en question nous revenait en pleine poire. Il n'y avait rien, excepté quatre murs eux aussi constitué de cet étrange cristal composant tout l'édifice, et une petite fenêtre. Au moins, je ne passerais pas une matinée entre quatre murs désagréables à regarder... Je fermai la porte derrière moi, Steel m'ayant précédé, puis m'assis par terre, à même le sol froid, tout en sortant de ma sacoche le livre magique que nous avions récupéré à l'université de magie. Je l'ouvris... et réalisai avec stupeur que toutes les pages étaient devenues blanches, sauf une. Celle qui avait guidé mes pas jusqu'à l'arène de cristal en l'occurrence. Cependant, la dernière phrase des instructions s'était modifiée. Si, auparavant, j'avais pu lire 'rendez-vous en ce lieu de force et d'honneur, le contenu de ce livre vous paraîtra aussi limpide que le cristal de cet endroit', il y était à présent inscrit 'faîtes à présent preuve des vos liens, car ce livre n'est en réalité que l'ombre de la vérité'.

Un livre magique pouvait en cacher un autre. Ce genre de tour était assez connu de ceux qui passaient leurs journées le nez plongé dans des bouquins, et j'avais eu moi-même ce genre d'expérience en parcourant les ouvrages de la bibliothèque du manoir Taiji. Poussant un soupir, je me relevai, tout en gardant le livre en main. Il en avait des bonnes celui-là... D'accord, je n'avais pas le QI d'une huître, mais les énigmes, je ne les résolvais en principe pas en un claquement doigt – et dommage, je n'avais pas mon frère Kosuke sous la main... qui m'aurait de toute façon ignoré ou, dans le meilleur des cas, envoyé balader. J'examinai le livre sous toutes les coutures, tandis que mon compagnon animal venait se percher sur mon épaule, comme il avait l'habitude. Et, alors que je passai mon doigt sur la tranche du bouquin sans vraiment espérer trouver un indice de ce côté-là, Steel me donna un coup de tête droit dans la tempe. Surpris, je faillis laisser tomber l'ouvrage, mais le rattrapai in extremis en effectuant une danse quelque peu ridicule, que personne ne put voir, fort heureusement – quoique, à ce stade, je n'avais plus vraiment peur du ridicule. Une fois remis de mes émotions, je scrutai d'un œil attentif la tranche du livre, puisqu'il semblait qu'il s'agissait de l'élément ayant attiré l'attention de mon compagnon. Avec précaution, je passai de nouveau mon index sur la tranche, et, cette fois-ci, je perçu la présence de reliefs, que je n'avais pas sentis quelques instants plus tôt. Probablement que je n'aurais pas prêté autant d'attention à la tranche du livre si Steel n'avait pas repéré ce relief grâce à son regard bien plus aiguisé que le mien.

« Ce qui fait le début... et la profondeur d'un lien... sera la clef... déchiffrai-je à voix haute en passant mon doigt sur les reliefs quasi-imperceptibles. »

Je demeurai un instant immobile, plongé dans mes pensées. Malgré ce que j'avais dit plus tôt à propos de mon QI, j'avais tout de même une idée quant à cette affirmation, probablement grâce à mes heures de lecture passionnées que j'avais passées dans la bibliothèque des Taiji – des lectures, qui, en principe, n'étaient pas très utiles aux yeux de mes frères, mais bon, passons. J'étais loin d'être certain vis-à-vis de mon hypothèse, mais il ne me coûtait rien d'essayer. Je fermai doucement les yeux, et portai lentement ma main gauche à la hauteur du mini-dragon juché sur mon épaule gauche. L'animal vint nicher sa petite tête au creux de ma main, ce qui me tira un petit sourire.

Curiosité. Effroi. Puis compassion. Taquinerie, espièglerie. Autonomie. Je songeais ainsi à tout ce qui avait été la profondeur de notre lien depuis sa création. Chargeant toutes ces émotions dans ma voix, je prononçai un mot. Un seul.

« Steel. »

L'acier que je n'étais pas. L'acier qui serait mon soutien. L'acier qui serait ma force.

Je sentis le livre disparaître sous mes doigts. J'ouvris les yeux, tout en baissant lentement ma main droite. J'eus un bref instant de doute. Et mon regard acier se posa sur le mur qui me faisait face, sur lequel était inscrit un sceau magique qui n'avait pas été là quelques minutes auparavant, lorsque j'étais entré dans cette pièce. Je m'avançai vers le mur, et de la main qui avait été en contact avec Steel quelques instants auparavant, je l'effleurai, avant d'y apposer complètement la paume de ma main. Le sceau, qui se présentait sous la forme d'arabesques gravées dans le mur cristallin s'illumina, m'éblouissant. Je clignai des yeux, et constatai avec stupeur que le glyphe avait disparu. En revanche, un livre paraissant identique à celui que j'avais trouvé à l'université de magie flottait dans les airs devant moi, et je m'empressai de refermer mes doigts dessus avant que ne cesse de fonctionner le sort qui le faisait ainsi léviter dans les airs.

De nouveau, je m'assis à même le sol, et ouvris le livre avec précaution. Steel sauta à bas de mon épaule et s'approcha timidement de l'ouvrage, l'inspectant avec circonspection. Et ce fut parti pour une bonne heure de lecture silencieuse.

Le livre n'était pas très épais, mais celui qui l'avait rédigé – car il était évidemment manuscrit, quoique très bien calligraphié – n'avait pas lésiné sur la densité de mots par pages, obtenant ainsi des pavés qui auraient découragé plus d'un lecteur non habitué à ce genre de mise en page. Et effectivement, je souligne ce fait, car je peux au moins me vanter d'avoir l'habitude de ce genre d'ouvrage, bien que je n'ai pas lu des quantités extraordinaires de livres traitant de sorts et d'aptitudes magiques afin de les acquérir – je m'appelle pas Eamon, moi. Comme je l'ai dit plus haut, j'avais l'habitude de lectures un peu moins... productives, mais qui avaient au moins le mérite de faire vivre et croître mon imagination – je vous laisse deviner, sans arrière-pensées malsaines s'il vous plaît. Et, en parallèle, lorsque j'avais enfin trouvé ma vocation de guérisseur, je m'étais également plongé dans la lecture de livres de médecine et d'anatomie. Et croyez-moi, les médecins ne font pas bon ménage avec les calligraphes... Donc, au final, même si l'auteur de ce grimoire magique avait formé de sa plume des lettres dignes de pattes de mouche, je n'avais nul besoin de me battre avec chaque mot pour en comprendre la signification – passé quelques instants d'adaptation, bien sûr. J'aurais pu également faire appel à ma magie féerique afin de réduire ma taille et par conséquent agrandir artificiellement à mes yeux celle des caractères manuscrits, mais je n'en ressentis pas le besoin. Ma lubie de conserver une apparence humaine avait de quoi en étonner plus d'un, mais à vrai dire, c'était le cadet de mes soucis. Stigmate du passé dirons-nous.

Mises à part les pattes de mouche de son auteur, le livre était tout de même de très bonne facteur. Si on le comparait à quelques vieux ouvrages de médecine déterrés dans la bibliothèque du manoir Taiji, on ne pouvait que le qualifier de délice pour les yeux. Sa couverture en cuir était certes simple, mais plutôt en bon état, ses pages parcheminées ne s'effritaient pas entre mes doigts, les lettrines en début de chapitre étaient calligraphiées avec soin et décorées d'une main experte et les enluminures agrémentaient judicieusement certaines parties du texte, donnant un air quelque peu mystique au sujet. En même temps, je n'en aurais pas voulu aux plus sceptiques de ce monde de se montrer dubitatifs face à un tel ouvrage, même si son obtention même était la preuve que ce qu'il contenait n'était pas qu'affabulations. Car je ne m'étais tout de même pas lancé dans cette entreprise sans rien savoir de ce qui m'attendait. Loin d'avoir effectué tout un tas de recherches parallèles afin de vérifier les bases scientifico-magiques de la théorie avancée par le livre sur lequel j'avais mis la main à l'université, je m'étais contenté de m'informer un peu à droite et à gauche des possibilités magiques des compagnons. Et, bien entendu, j'avais tout de même prêté une attention particulière à l'ouvrage sur lequel j'avais mis la main. Si la majeure partie du livre avait été indéchiffrable – et je comprenais à présent pourquoi – il avait tout de même contenu quelques indications sur la nature de la magie qu'il visait à enseigner à son lecteur. A savoir une magie de fusion entre maître et compagnon. Et si, à première vue, j'avais quelque peu douté de la chose au vu du caractère changeant de Steel et de sa tendance à m'abandonner assez régulièrement en plein dans les ennuis, c'était lui-même qui m'avait convaincu de me lancer dans l'entreprise. Et au final, j'en voyais tout de même les intérêts. Au-delà d'une meilleure compréhension du mini-dragon qu'il était, je pourrais aussi bénéficier de ses dons, voire même de certaines de ses capacités physiques, selon le manuel. Ce qui me permettrait de mettre en application ce don rare et précieux que Steel possédait mais qu'il n'utilisait qu'assez rarement.

Le livre était divisé en trois parties : théorie et principes magiques, pratique théorique, et mise en pratique réelle. Ce découpage me parut étrange aux premiers abords, mais je ne renonçai pas pour autant. Maintenant que j'en étais arrivé là, je n'étais plus à quelques excentricités près. Et si j'eus parfois quelques difficultés à appréhender le côté très théorique de la première partie du bouquin – fallait s'accrocher, c'était un peu comme les mathématiques de haut niveau, totalement abstraites – je n'eus en revanche aucun mal à comprendre son deuxième chapitre, qui traitait de la mise en application concrète des principes énoncés dans le premier chapitre. Mais avant de mettre en application ce dont traitait ce deuxième chapitre, je préférai me référer à la dernière partie, qui devait sans doute contenir des instructions vraiment pratiques, qui me seraient très probablement d'un grand secours. Enfin, telles avaient été mes pensées. Ce qui fit que je me retrouvai, interdit, devant une nouvelle page, orné du titre, d'une enluminure représentant un humanoïde ayant fusionné avec un oiseau, lui donnant des allures d'Ange, et de... rien d'autre. Pas d'instructions. Pas de schémas, pas d'autres dessins. Rien. En vis-à-vis du titre, l'enluminure. Mais sous le titre, du parchemin vierge de toute encre. Perplexe, je croisai les bras et portai ma main devant ma bouche, me demandant bien quelle idée était passée par la tête pas très droite de l'auteur. Je doutai que l'écrivain ait juste fait ce genre de feinte pour s'amuser. Ca sentait le bouquin magique, ou un truc du style. Restait à savoir ce qui déclencherait l'enchantement du livre.

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MessageSujet: Re: Le guide du parfait maître   Le guide du parfait maître EmptyDim 7 Avr - 19:44

Aussi intrigué que moi, Steel s'approcha de la page blanche et y frotta le bout de son museau. D'un mouvement amical de la main, j'écartai le mini-dragon, afin qu'il n'abîme pas l'ouvrage, pour lequel j'avais un profond respect – comme pour tous les manuscrits de ces terres, en fait. Involontairement, je frôlai du bout des doigts l'endroit touché par l'animal, et il se produisit quelque chose d'assez inattendu, bien que, tout compte fait, j'aurai pu le prévoir, venant d'un livre magique... Sous mes doigts se formèrent des courbes manuscrites, remplissant par magie le vide que j'avais contemplé avec stupéfaction quelques instants plus tôt. Je relevai ma main et déchiffrai avec attention les mots se traçant sur la page vierge de parchemin.

Enfin. J'allais finir par croire que vous n'arriveriez jamais à cette page, toi et cette bestiole. Parce que bon, tout le blabla, ça va un moment, mais après, faut passer aux choses un peu plus drôles...

Je haussai les sourcils. Un bouquin doté d'impatience et de sens de l'humour ? Ca en promettait des bonnes...

Prends pas un air aussi étonné que ça gamin, t'as jamais vu un grimoire de ta vie ou quoi ?

Je me renfrognai. Un bouquin impatient, doté de sens de l'humour, me prenant pour un jeunot et aussi poli que moi. Bon, d'accord, je n'ai que vingt piges – enfin je crois – mais ce n'était pas une raison pour prendre tout le monde de haut, si ? Probablement que mon heure de lecture avait quelque peu porté atteinte à ma limite de patience, normalement bien plus élevée que cela. Mais j'avais un petit côté soupe au lait.

« Comme si c'était monnaie courante, grommelai-je, de mauvaise foi. Et si tu tiens tant que ça à m'appeler par quelque chose, utilise Enzel, ce s'rait un poil plus sympa. »

J'ignorais si m'adresser ainsi à l'ouvrage marcherait vraiment, étant donné qu'il ne semblait pas doté d'oreilles, mais encore une fois, ça ne coûtait rien d'essayer. Et j'espérais que cela marcherait, parce qu'une conversation à sens unique, ce n'est pas bien drôle... Et même si j'avais de quoi écrire sur moi, j'hésitais à laisser mon empreinte sur un tel ouvrage. Heureusement, il semblait que ce n'était pas nécessaire, vu que le bouquin ne tarda pas à me répondre en traçant de nouveaux caractères sur sa page plus si vierge que ça.

Bon, voilà qui m'évitera bien des difficultés... Tu sais que la dernière fois, j'ai mis une heure trente à obtenir le nom d'un paranoïaque qui ne voulait pas donner le sien en prétextant que j'allais lui lancer un mauvais sort ? Un mauvais sort, non mais je te jure... Je suis un grimoire magique, pas un almanach de sorcellerie...

« Certes ? acquiesçais-je, quelque peu interrogatif. Et ? »

Impatiente jeunesse, hein... J'en ai eu un autre qui s'est cru assez malin pour tenter quelque chose sans consulter mon dernier chapitre... Et ben il s'en est bien mordu les doigts !

« Euuuhm, vos histoires sont passionnantes, mais... »

Ca va, ça va, j'ai compris... Aucune patience ces jeunes. Bon, c'est parti pour la pratique. Steel, Enzel. Ce qui compte, c'est ce lien entre vous, dont vous avez prouvé l'existence en me trouvant. Ce n'est pas dit dans mes pages précédentes, parce que tout dépend du lien entre le compagnon et le maître. En ce qui vous concerne, c'est à la fois assez étrange et assez simple. C'en est presque effrayant.

« J'vais prendre ça comme un compliment... fis-je avec un sourire mi-figue, mi-raisin. »

Votre confiance mutuelle repose sur des bases assez... atypiques. Le respect de l'autonomie. Peut-être un peu d'attachement psychologique, mais surtout un intérêt commun, et un psyché assez ressemblant... Comme quoi, qui se ressemblent s'assemblent. Je te souhaite bon courage dans ta vie amoureuse, hein.

« C'est trop aimable... grommelai-je. »

Bon, assez de blabla, place à la pratique. Je vous observe.

J'échangeai un regard dubitatif avec mon compagnon animal. J'ignorais si il avait compris mon échange avec le grimoire magique, mais toujours est-il qu'il s'approcha de moi et monta sur mon genou droit, avant de se nicher au creux de mes jambes, vu que j'étais assis en tailleur. Je pensai à tous les propos tenus par le grimoire. Qui avaient été d'une étonnante précision. Mais après tout, n'était-il pas là pour guider ceux qui voulaient mettre en application son savoir ? Et ce malgré son caractère un peu spécial... Je fermai les yeux, et tentai de faire le vide en moi, ne me concentrant que sur ce lien et sur la magie.

Steel et moi demeurâmes ainsi pendant de longues minutes. Je ne saurais dire combien de temps exactement, mais nous étions entrés dans un état proche de celui de transe, dans lequel les minutes paraissent des secondes et les secondes paraissent des heures. Jusqu'à ce que, au final, se créé entre nous ce flux si particulier de magie, qui, je le savais, servirait à nous unir jusqu'à ce que l'un de nous deux trépasse – ce que je ne souhaitais accessoirement pas, mais bon. Et lorsque je sentis ma magie nous englober tous deux par le biais de ce lien, je compris que la fusion fonctionnait.

Sentant la magie se déverser à nouveau en moi, et mon corps en proie au changement, je me relevai, les yeux toujours fermés, appréhendant chaque nouvelle sensation à sa plus juste mesure. J'ouvris et refermai mes doigts, légèrement griffus. Je fis légèrement mouvoir les ailes qui étaient apparu entre mes omoplates, légèrement plus lourdes que celles d'une Fée. Et surtout, je ne me sentais plus vraiment seul dans mon esprit. Quelle sensation étrange que de partager son corps avec un autre... Même s'il semblait que Steel était plus que volontaire pour se la couler douce et me laisser la totalité du contrôle. Lentement, mes yeux s'ouvrirent, pour se poser sur le grimoire reposant sur le sol, toujours ouvert au troisième chapitre. Ma vue était plus perçante, et je pus sans mal déchiffrer les nouveaux caractères apparaissant en bas de page.

Pas mal ! Maintenant, voyons voir ce que tu sais faire... Déménageons, tu veux bien ? Oh, et tourne ma page, s'il te plaît.

Comprenant ce que le grimoire voulait dire, je me baissais pour ramasser le livre, et sortis de la pièce, me dirigeant vers l'une des salles permettant aux combattants de s'entraîner au combat mais aussi au parcours d'obstacle. D'ores et déjà, j'éprouvais les difficultés que présentait ce corps né de la fusion de deux êtres radicalement différents, mais le temps que j'atteigne la salle, je m'étais déjà habitué aux mouvements les plus basiques. Peut-être était-ce dû à mon aisance naturelle avec la magie. Quant à savoir ce que j'allais faire en salle d'entraînement, il n'y avait pas besoin d'avoir inventé l'eau chaude pour pouvoir le deviner. L'ombre du grimoire magique avait déjà mentionné une histoire de preuve après la transformation.

Une fois dans la salle, je me retrouvai face à un grand miroir, permettant aux combattants de répéter leurs mouvements, face à eux-mêmes, en ayant l'opportunité de se corriger seuls. Ce fut là que je découvris réellement en quoi la fusion avec Steel m'avait changé. Seules ma taille et ma carrure n'avaient pas été modifiées. Si le visage était reconnaissable, il était en revanche illuminé par deux prunelles marron tirant vers le rouge, et mes cheveux, légèrement plus longs, avaient la teinte de la neige aux reflets bleutés. Je reconnaissais sans mal les ailes de plumes bleues et blanches de mon compagnon présentes dans mon dos et adaptées à ma taille. Toutefois, je ne pus m'empêcher de porter une main à mon visage, effleurant du bout des doigts les marques étranges qu'avait laissée la fusion, se présentant comme deux traits noirs sur mes pommettes. Egalement, je n'avais pas prévu l'apparition de sortes de cornes pointant entre mes cheveux blancs, non pas verticalement, mais plutôt horizontalement, d'une teinte marron. Quelque chose me disait que Steel n'avait pas fini sa croissance, et que j'avais un petit aperçu de ce qui risquait de lui pousser plus tard... Je baissais mon regard vers le grimoire, l'ouvrant à une nouvelle page du troisième chapitre.

Ca en jette, non ? Montre moi un peu comme tu sais bouger. Et pas pour rigoler, hein. Un vrai entraînement... Tiens, prends l'une de tes épées, ça fera encore mieux.

Je balayai la salle du regard. Personne. Et tant mieux. Dans un chuintement métallique, ma lame noire, Erys, quitta son fourreau, accroché dans mon dos, croisant le fourreau de ma lame blanche Valeria. Machinalement, mes appuis se fléchirent, et j'avisai non loin de là un mannequin quelque peu usé, qui avait déjà fait les frais de longues heures d'entraînement. Lentement, je m'en approchai, puis, parvenu à cinq mètres, je lâchai ma lame et tentai pour ma première fois de faire appel à ma magie sous cette forme fusionnelle. Et c'est avec surprise que je parvins à prendre le contrôle de ma lame par télékinésie et à lui faire trancher ce qui devait être l'épaule du mannequin. Je récupérai ma lame en plein vol et fis un bond en arrière, comme si je voulais me mettre hors d'atteinte de mon ennemi virtuel. J'effectuai une esquive imaginaire, puis plongeai de nouveau, gardant cette fois-ci ma lame en main. Je fis une feinte à droite avant de porter un rapide coup d'estoc à gauche, puis me retirer ensuite. Je sentis mes pieds s'emmêler sur cette retraite, mais je parvins tout de même à regagner mon équilibre sans me casser la gueule.

L'équilibre était légèrement différent. De même que les sensations. Je poursuivis ainsi pendant plusieurs minutes, connaissant parfois quelques ratés et les corrigeant, pour, finalement, me sentir plutôt à l'aise dans ce corps particulier. Parfois, je sentais Steel me donner un coup de main, même si cela ne prenait jamais une forme très précise. La sensation était étrange mais pas désagréable. Finalement, je revins vers l'endroit où j'avais posé le grimoire magique et posai mon regard sur les nouvelles lignes qui y étaient apparues. Et je ne pu m'empêcher de sourire moqueur en voyant les commentaires du bouquin.

Pas mal ! Non, celle-ci passait pas... Par contre, la suivante, elle déchire ! Et là, tu l'as tué ton gars ! Mais c'est de l'acharnement, dis-donc. Et une gamelle, une ! Et dans ses dents !

Et ainsi de suite. Il me traitait de gamin, mais il n'était pas mieux. De nouvelles lignes s'inscrivirent sur la page vierge, comme si le bouquin venait de remarquer mon sourire narquois – allez savoir comment il faisait, vu qu'il n'avait pas plus d'yeux que d'oreilles.

On ne se moque pas, gamin. Bon, et bien, que puis-je te dire de plus, si ce n'est que tu t'en sors pas trop mal ? Il ne te reste plus qu'une chose à faire.

Je levai ma main droite et fis glisser Erys dans son fourreau, produisant le même chuintement métallique que quelques minutes auparavant. Puis je fouillai dans l'une de mes poches pour en ressortir un tube contenant plusieurs parchemins, et en choisis un au hasard – pas si au hasard que cela, mais je préférais ne pas m'attarder sur le sujet. J'avais deviné ce le sous-entendu du grimoire, puisque au-delà du physique, c'était les capacités magiques des compagnons qui avaient dû intéresser les créateurs du grimoire et du sort qu'il expliquait. Je fermai à nouveau les yeux et me concentrai sur le parchemin présent entre mes doigts. Comprenant vite que je n'arriverais à rien en étant seul, je fis appel rapidement à la conscience de Steel, qui avait quasiment anticipé mon besoin. Après quelques instants de concentration, la magie fit effet. De même que ses effets secondaires. Mes jambes se dérobèrent sous moi, et je tombai à genoux devant le grimoire, tandis qu'une douleur diffuse se répandit en moi. Haletant, j'ouvris ma main droite et constatai que le sort avait fonctionné. Mes mains tremblantes rangèrent le parchemin rétréci dans son cylindre, et, soudainement, la douleur disparu, aussi vite qu'elle était apparue. A présent, je comprenais pourquoi Steel n'aimait pas user de son pouvoir. Je jetai un coup d'oeil au grimoire.

Et bien, si ce n'est pas une réussite ça ! Bon, ça veut dire qu'il est temps de retourner dormir... enfin, en ce qui me concerne. Pour vous, les choses ne font que commencer.

Je pus presque apercevoir le grimoire esquisser un sourire, quand bien même cela était impossible. L'ouvrage se mit à luire de la même lumière que celle qui l'avait invoqué, et, un instant plus tard, il avait disparu. Et je devinai sans peine qu'il était retourné quelque part dans un mur ou dans un sol de cette arène, attendant le prochain duo voulant profiter de son savoir. Un sourire se dessina sur notre visage, à Steel et à moi, avant que nous ramassions une pierre bleutée qu'avait laissée derrière lui le grimoire. Atteignant une fenêtre assez large pour que nous passions, nous nous élançâmes dans les airs, nous envolant vers d'autres horizons, profitant encore un peu de notre état fusionnel.

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