Pheberelle

Ses doigts fins caressèrent distraitement le muret de pierre, saupoudré d'une fine couche blanche de neige, son regard errant au loin, entre les flocons tombant silencieusement dans la nuit, recouvrant la cité sainte d'un manteau d'une pureté immaculée. D'une quiétude qu'il était loin de partager, quand bien même rien sur ses traits ne trahisse son trouble.

Les mots de l'Elezenne, Isabelle de Pheberelle, le taraudaient. De même que ses traits de noble épleurée, reniant son fils, l'appelant monstre et l'abhorrant, en dépit de tous les liens d'affections sensés unir une femme à son enfant.

Monstre. Ruine de la famille. Horreur.

Pris au dépourvu par la véhémence et l'exubérance de la noble, Finaen n'avait su réagir. Le désarroi l'avait gagné, et l'Elezenne en avait profité pour poursuivre dans sa démonstration de victime scandalisée et horrifiée. Et finalement, lorsque la noble était parvenue à bout de la patience du mage, celui-ci abandonnant toute sympathie au profit de la sévérité du jugement et de l'inquisition, il s'était fait chasser par les gardes de la dame, pour lesquels seul comptait le bien-être de cette femme dont le refus de répondre à la moindre question sous prétexte de choc signait, aux yeux de Finaen, une part de culpabilité.

Cette femme savait quelque chose. Elle aurait beau couvrir son fils d'injures et de calomnies, celui-ci était loin d'être le monstre qu'elle décrivait. Seulement, sous le couvert de l'autorité et de l'identité de victime, il n'avait pu obtenir d'elle ce qu'il aurait souhaité.

L'Elezen laissa échapper un soupir, fermant les yeux. Eressea avait souffert le martyr, enchaîné à cette chaise, alors qu'on lui faisait subir le pire des tourments. L'éther corrompu de l'entité démoniaque l'avait écrasé sans le moindre remord avant de faire de lui son vaisseau, maculant sa lame du sang de l'un de ses servants et semant la destruction dans le manoir avant de s'enfuir.

Il sentait encore les traces diffuses de cet éther corrompu, se mêlant à celui d'Eressea. Il en avait senti, et en sentait encore les empreintes s'éloignant vers le Sud-Ouest, en direction de l'Arête Blanche. Il avait failli se lancer à sa poursuite, mais s'était ravisé, devant l'imprudence de l'entreprise.

Rouvrant les yeux et les levant vers le ciel, il laissa, une fois de plus, ses pensées errer entre les souvenirs, ses doigts dessinant l'abstrait dans les flocons de neige. Il attendait, que l'aube se lève, et avec elle, l'espoir d'arracher son ami à son tourment.