Et si...

Et si.

Deux mots qui marquaient au fer rouge son esprit. Réveillant en lui les échos de regrets anciens, qui ne l'avaient jamais réellement quittés. Funambule sur le fil de la raison, menaçant à tout moment de céder à la folie et à l'oubli, son existence n'était que depuis peu régie par l'espoir et la volonté de vivre. Si ténues.

Et si.

Dans la yourte, le silence. Le regard écarlate d'Arkael, posé sur la frêle Xaela, dont l'éther vital était encore bien faible, bien trop faible pour qu'il ne lui soit permis de récupérer sans le moindre soutien, ne semblait vouloir s'éteindre. Et les mains de l'Elezen, luminescentes d'éther, demeuraient au contact de la jeune femme. Animées d'un tremblement si fin qu'il en était presque imperceptible.

Et si.

Le calme, la sérénité qu'il avait éprouvée en soutenant le regard prédateur du gardien de la Vallées aux Esprits lui semblaient si lointains. Le tremblement de la terre, les supplices des esprits, le chant sinistre des regrets avaient tout balayé.

Et si.

Le regard vide d'une femme aux cheveux d'or, se détournant, effleurée par la grâce divine, irradiant d'une harmonie qu'il avait refusée, sous le regard juste de la déesse. Elle n'était jamais loin. Bien que rongés par le temps, par les souvenirs qui ne lui appartenaient pas, ces moments heureux qu'il avait vécus dans un temps reculé, dans des terres reculées, existaient encore, imprégnés de mélancolie et de regret.

Et s'il n'avait pas trahi ? Et s'il avait laissé les mots de la déesse emporter son cœur, comme il en avait emportés tant d'autres ? Et s'il était demeuré sourd aux hurlements de souffrance de la terre, à laquelle on arrachait son éther, au nom de l'harmonie ?

Et s'il était mort en esclave de la volonté divine, plutôt que vivant, à la merci de la volonté des hommes ?

Ses doigts vinrent effleurer l'anneau d'or glissé à son annulaire gauche, gravé d'un filament écarlate, la lueur éthérée nimbant ses mains se dissipant, peu à peu.

Le poids des regrets était si lourd.

Et si.

Et s'il avait trouvé la force de résister à ses tourments.
Et s'il avait pu libérer l'homme qu'il avait aimé.
Et s'il avait su sauver l'homme qui l'avait supplié.
Et s'il avait trouvé le courage de faire face à sa propre haine dévastatrice.
Et s'il avait accepté son destin comme il aurait dû le faire bien des millénaires plus tôt.

Son regard se posant à nouveau sur le visage au teint pâle de Yamiko, il voyait, à nouveau, la conteuse lui sourire. Ses mots résonnaient dans son esprit, comme un repère au milieu de l'océan des regrets qui menaçait de l'emporter.

Choisir la vie.

Il le fallait, envers et contre tout. Il sentait une autre lueur se battre, comme à son habitude, pour qu'il ne se laisse pas, une fois de plus, laisser entraîner par le poids de ses regrets et de sa culpabilité. Il savait que lâcher prise ne ferait que naître davantage de peine dans le regard améthyste d'un Raen qui le soutenait, encore.

Et pourtant.

L'appel de la Mer des Etoiles ne lui avait jamais semblé aussi proche.